Le patriarcat a des effets insidieux qui sont intériorisés et finissent par faire considérer comme naturels des faits sociaux. Par exemple, dans un couple de militants qui a des enfants, s'il faut aller à une réunion le soir, dans la plupart des cas c'est l'homme qui va à la réunion, et la femme qui garde les enfants. Alors, évidemment, individuellement, chacun et chacune prend sa décision en fonction de critères qui lui sont propres. Il n'y a pas de déterminisme absolu, d'ailleurs de nombreuses femmes se rendent aux réunions le soir. Mais statistiquement, on peut constater que les femmes participent bien moins que les hommes à la politique, toutes choses égales par ailleurs. Jouent également les conditions sociales, indépendantes des convictions des intéressés.
Les femmes souvent s'auto-disqualifient, pensant qu'elles ne sont pas assez compétentes, pas assez à l'aise pour prendre la parole en public. Alors qu'objectivement, ces personnes qui s'auto-disqualifient seraient souvent tout aussi compétentes voire plus que celles qui se présentent. Certains hommes aussi s'auto-disqualifient, ou, au prétexte qu'ils sont des hommes, ne vont pas prendre la parole pour la laisser aux femmes, ou comment renforcer l'idée que la prise de parole dépend du genre.
On peut le voir facilement dans les prises de parole publiques, surtout quand une assemblée est peu organisée. Les femmes parlent peu, attendent leur tour pour parler, alors que souvent les hommes parlent à tort et à travers, coupent la parole, s'imposent. Je ne fais qu'énoncer des tendances générales, heureusement, il y a des exceptions ! Comment interpréter cela : les femmes laissent-elles la parole par politesse et éducation, ou par effacement et auto-disqualification ? Ça m'est arrivé de participer à des assemblées où pour contrer ce défaut, les tours de parole étaient organisés de façon à ce qu'alternent hommes et femmes. C'est plutôt agaçant quand il y a peu de femmes, et quand j'étais pour ma part venue à l'assemblée seulement pour écouter : pourquoi prendre la parole alors qu'on a rien de spécial à dire, sous prétexte d'être une femme ? Ça serait ridicule. D'un autre côté, si on ne fait rien, cet état de fait n'est pas près d'évoluer. Personne ne va dire qu'il faut que les femmes soient plus malpolies et coupent systématiquement la parole, juste pour montrer qu'elles aussi savent le faire. Renverser les stéréotypes ne les efface pas, mais les renforce.
Pour bien comprendre, il faut séparer deux choses : la liberté de choix individuelle, et la tendance générale statistique. Surtout, il ne faut pas déduire de la tendance un déterminisme au niveau des comportements personnels. Chacun.e décide de lui-même ce qu'il va faire, prendre la parole ou pas, s'imposer ou attendre son tour, et je suppose que personne ne prend explicitement en compte son genre dans ce cas.
Ce qui m'amène à la question de la parité, mais fin de l'article pour cause de 3000 signes !