Pour une république du commun

Par Pierre Crétois, philosophe

 

Il faut tout revoir. Et il s’agit d’abord de démocratiser et les processus économiques et les processus politiques si l’on veut parvenir à une authentique république du commun.

Je ne crois ni dans l’oligarchie politique, ni dans l’oligarchie économique. Je ne crois pas au libre-marché et à sa main invisible. Je crois, en revanche, à la capacité des citoyens à s’auto-organiser du moment que le pouvoir est également réparti entre eux sans monopole.

Or, la propriété est un monopole inviolable bien protégé par des clôtures matérielles et symboliques. Pour répartir le pouvoir économique également entre les citoyens, il faudrait donc affaiblir le droit de propriété (non forcément l’abolir, ces questions sont plus complexes), il faut de nouvelles règles pour protéger chacun contre les prédateurs du pouvoir économique et éviter l’arbitraire.

Nous subissons quotidiennement les exigences des intérêts particuliers que nous savons, parfois, incompatibles avec ce qui est souhaitable pour le plus grand nombre. Cela est précisément l’effet de captations, d’appropriations et de privatisations diverses : captation du pouvoir politique, privatisation et monopolisation des ressources et des moyens de production. C’est finalement un petit nombre qui s’arroge le droit de décider unilatéralement de ce qui relève du bien commun. C’est là que se pose la question constitutionnelle, c’est-à-dire celle de l’organisation des pouvoirs.

Il ne faut pas que le pouvoir économique constitué par la propriété des capitaux et des moyens de production conserve plus longtemps l’indépendance qu’il a conquise depuis le XVIe siècle au moins au sein des Républiques commerçantes d’Italie et des Provinces-Unies. Il est impératif de réorganiser les pouvoirs en admettant, ce qui est nouveau, que l’économique en est un. Il faut le limiter constitutionnellement et le subordonner au bien commun pour permettre aux collectifs de producteurs et de consommateurs d’en maîtriser les contours et de n’être soumis à aucun arbitraire en ce domaine. Il faut remettre le pouvoir du(es) collectif(s) sur lui(eux)-même(s) au sommet de la pyramide.

Mais qui mettra l’économie au pas ? Personne, ne nous y trompons pas. Aucun pouvoir centralisé ne peut maîtriser totalement ce qui relève d’échanges et de relations complexes et horizontales. Il faut seulement que le pouvoir économique ne soit pas monopolisé. Dans ce cadre, l’État a néanmoins un rôle décisif pour éviter les dominations des oligarques, mais il est loin d’être le seul.

Les questions économiques ne doivent plus brider et opprimer les hommes mais être des pôles d’animation et d’expression des collectifs. En ce sens, l’économique doit devenir le lieu d’une nouvelle politique : celle de l’auto-organisation des collectifs de travailleurs et de consommateurs (qui sont les mêmes à différents moments de leur vie). Cela suppose des institutions centralisées certes mais aussi des médiations décentralisées, bref une nouvelle Constitution pour organiser cela car, Saint-Simon nous l’a montré, ces questions sont complexes et ne relèvent pas de la baguette magique.

Ma proposition (mais ce n’est évidemment pas seulement la mienne, elle est l’écho des bruissements et des mouvements qui s’opèrent déjà çà et là dans la société et de choses de nombreuses fois écrites) est d’instituer le principe du commun comme principe d’ordonnancement de la société pour favoriser l’existence la plus large d’une démocratie réelle qui soit également une démocratie dans l’organisation de la production et de la distribution des ressources ; pour éviter la prédation de tous les secteurs de la vie par la propriétarisation et la marchandisation ; pour permettre à l’homme d’accéder à de nouvelles formes de sociabilité où il ne serait pas d’abord propriétaire enfermé derrière ses clôtures mais d’abord membre d’un collectif, coordonnateur de l’usage de ressources communes parfois partagées, parfois utilisées privativement (mais d’une manière qui soit compatible avec le bien commun qui doit toujours être le critère du bienfondé de l’appropriation).

Le principe du commun devrait donc se traduire non pas seulement dans le droit du bien commun à primer sur les logiques parfois prédatrices de l’intérêt privé, mais aussi dans l’institution progressive du commun comme idéal d’organisation de la société et principe d’une nouvelle manière d’être homme en société.

 

Je demande l’élection d’une assemblée constituante qui fonde avec les citoyens la 6e République. Une République débarrassée de la monarchie présidentielle et fondant les nouveaux droits personnels, écologiques et sociaux dont notre pays a besoin.

Je recevrai par mail les informations sur le Mouvement pour la 6e République.

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17 responses to “Pour une république du commun

  1. Construire du commun voilà une excellente idée qui va bien au delà de l’objectif du m6r. Bardot et Laval développent cela dans leur ouvrage « Commun » aux Editions de La Découverte. Mais si tous les signataires du M6R se mettent à constituer là où ils vivent ou travaillent des cercles citoyens, comme on avait su le faire en 2005 avec les collectifs du NON, et y mener un intense travail d’éducation populaire, alors on peut à terme avoir véritablement un peuple révolutionnaire. En attendant ces cercles peuvent être le fer de lance de la prise en main par le peuple lui-même de son pouvoir constituant. J’en explique les modalités sur mon blog Mediapart.

  2. Je pense qu’une constitution doit garantir la redistribution des capitaux accumulés par une personne à l’ensemble de la société et non seulement à la famille du possédant. Elle doit limiter la transmission de capitaux afin d’éviter la constitution de dynasties capitalistiques. La propriété privée doit être abolie à la mort du propriétaire et les biens redistribués par l’Etat au travers des actions de cet Etat..

    1. .Pourquoi abolir la propriété privée, ce que personne n’acceptera jamais? Et pourquoi pas, par exemple, instituer dans les entreprises ou dans la grande distribution un système d’appropriation des moyens de production par ceux qui y travaillent, et exclusivement eux, au prorata du temps passé et du salaire/compétence, avec des salaires qui iraient de 1 à 5, ce qui O surprise ! lierait l’évolution du salaire le plus bas à celle du plus haut. Sans brutalement imposer ce genre de contrat d’entreprise, l’état pourrait ne favoriser que celles qui l’adopteraient, en vertu du principe qu’un état socialiste n’est pas tenu d’alimenter la rente.

      1. . »Pourquoi pas d’un système d’appropriation des moyens de production par ceux qui y travaillent, et exclusivement eux ? »
        Parce que dans ce système de coopératives de travailleurs (dont le concept date du XIXème siècle), la question des intérêts des clients n’est pas prise en compte (toxicité, obsolescence programmée, détermination du juste prix) la question environnementale et des nuisances n’est pas prise en compte (les voisins et parties prenantes ne sont pas intégrés aux décisions), la question du financement des projets (par capital risque, crowdfounding ou création monétaire par l’assemblée démocratique territoriale ;-). Il y a d’autres raisons encore qui font préférer un modèle de coopérative multilatérale, avec une direction multicollégiale.

        L’organigramme de ce drôle d’oiseau ici :
        http://eutopic.info/vigilius/?p=265

  3. . « redistribuer les capitaux accumulés par UNE personne », mon épouse et moi avons travaillé toute notre vie comme la majorité des gens en tant qu’ouvriers et on compte bien que notre fille le moment venu hérite de notre petit pavillon et des quelques milliers d’euros que nous avons épargnés avec notre sueur.
    Votre raisonnement est nul personne ne l’acceptera , par contre ce serait plausible pour les sociétés et les grosses entreprises.

    1. .Ce n’est donc pas le principe du bien commun. Votre intérêt, particulier, prévaut. C’est louable. Mais il est à mon sens impensable d’appliquer au groupe ce qui se refuserait à l’individu.
      Le jour où le groupe ne manquera de rien, l’individu ne capitalisera plus.
      Le raisonnement de Pierre Crétois n’est pas nul. Vous n’êtes simplement pas de son avis. Merci de prendre cette nuance en considération. 🙂

      1. .C’est le raisonnement du commentaire n°2 que je critiquais ,désolé.

  4. .Bonjour à tous,

    L’eau, la santé, la qualité des aliments, le droit au logement, le droit de vivre de son Activité dignement (je ne parle pas d’emploi cf Bernard Friot) doivent impérativement être affirmés constitutionnellement afin de nous préserver des prédations en tous genres.

    Le droit de vivre dans le respect de soi-même, et donc des autres, ne peut-être négociable dans une société Humaine et civilisée digne de se nom.
    Si la position du curseur « dignité » peut être discutée, elle n’est pas digne d’être remise en question quand on se veut Humain. De même quelle ne peut se limiter à de la simple compassion, chacun méritant d’avoir une place pleine et entière en ce monde, sans pour autant être l’esclave soumis aux prédations Capitalistes du Marché du Travail et donc de l’emploi.

    Mais tout cela ne peut être mis en pratique et fonctionner de façon pérenne que si, cette approche constitutionnelle des responsabilités éthiques, est rendue effective par le droit politique de tous Citoyens à pouvoir se saisir pleinement de l’essence même, de l’importance et de la profondeur Humaine de tels droits.

    Le peuple devant être mis en capacité de s’emparer pleinement de ces derniers afin de pouvoir les faire respecter à tout moment.
    (Ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle. Le grand nombre connaissant tout juste le mot Constitution. Et sachant encore moins à quoi elle sert. Le fait Politique, au sens large et noble de ce mot, étant réduit à un simple bulletin de vote tous les 5 ans. Etc.)

    Cela ne sera donc rendu possible que par la reconnaissance et la mise en place concrète de la puissance politique du peuple. Ce peuple qui sera chargé de mettre en œuvre et de faire appliquer, respecter et protéger les règles constitutionnelles au quotidien.

    Le peuple doit donc être élevé au rang qu’il lui est dû, au rang de VRAI Citoyen. Et pas de simple électeur soumis à des Maîtres qu’il ne choisit pas, contre lesquels il n’a rien à dire, et qui surtout, décident de TOUT à sa place. Même les pires horreurs.

    Pour se faire le peuple doit-être à l’initiative, à l’origine, et à la racine de la loi des lois, donc de SON contrat social. Il doit pouvoir échanger, partager, s’élever, s’émanciper, grandir, devenir adulte politiquement. Pas par droit ou par devoir : mais parce que c’est son intérêt.

    Seul le Tirage au sort (et tous les contrôles qui l’encadre) sur les listes de recensement d’une (ou plusieurs !) Constituante(s) parmi le peuple, qui ne veut PAS du Pouvoir, est à même de permettre aux électeurs de devenir de véritables Citoyens, donc de s’emparer pleinement de LEUR contrat social et par la même de le faire respecter.

    Seule une (ou plusieurs !) Constituante(s) Tiré au sort, interdite aux prédateurs potentiels, aux gens qui aiment le Pouvoir, (Magistrats, hauts fonctionnaires (ou aspirant à l’être), directeurs de multinationales ou de banques, grands gourous et patrons de médias, hauts fonctionnaires de police, de l’armé, des services de renseignements) est à même de nous préserver des conflits d’intérêts.

    Le peuple c’est nous. C’est donc à nous de décider ensemble de ce qui est NOTRE bien commun, des règles auxquelles NOUS accepterons de consentir, de faire perdurer les droits que NOUS aurons nous mêmes choisi.

    C’est donc à NOUS d’instituer NOTRE première VRAIE DémoKratie, de la faire vivre et SURTOUT de nous donner les moyens de la préserver.

  5. .Bravo pour les principes, mais concrètement…? je verrais bien par exemple un gouvernement de gauche ne favoriser que les coopératives ouvrières, ou bien au niveau des communes réintroduire ce qui existait au moyen-âge, du communal précisément, et qui existe encore sous forme de forêt communale (car il faut stopper la privatisation de la forêt), et pourrait s’élargir à un pré, un verger, un atelier communal, une production communale d’énergie, etc…

    1. .Le pouvoir est d’autant plus maîtrisé qu’il se trouve à proximité. Complètement d’accord pour le resituer au niveau communal en dehors des partis. Il faut inverser la pyramide décisionnelle jusqu’à réduire la fonction du président de la république à ce qu’elle n’aurait jamais du cesser d’être: représenter et exprimer la volonté du peuple lors des crises internationales. Pour le reste les citoyens sont désormais adultes et capables d’assurer eux-mêmes leurs responsabilités sociales, écologiques et économiques en harmonie avec la nature et pour le bien être de tous.

    2. .Je partage en tout point ce point de vue…..(Je me suis trompé dans « signaler ce commentaire ») je voulais juste le signaler comme excellent et non pour le modérer.
      Il faut privilégier l’économie de proximité et surtout tout ce qui est vital….

  6. .Avant d’abolir la propriété privée des moyens de production et d’échange peut être serait-il plus judicieux d’en énoncer les mécanismes fondateurs. Le rapport social l’autorisant résulte historiquement de l’emploi et de la consolidation légale de la force qui en perpétue la continuité. Il postule que le leader, le chef de guerre, le seigneur, l’employeur est l’unique auteur/créateur de l’Entreprise (c’est la logique de la Cour de Cassation qui postule « l’Employeur seul juge ») au détriment des forces vives (de l’ouvrier à l’ingénieur) qui se voient ainsi dépouillées de leur pouvoir d’appréciation et de décision.

    Il importe donc de considérer la double dialectique Travail/Capital et l’exercice du pouvoir décisionnaire.

    - sans travail pas de Capital qui n’est que formalisation financière d’une activité.
    - sans forces productives, pas d’augmentation du Capital investit.

    Qui plus est, le Capital investit résulte le plus souvent d’un emprunt auprès d’une banque qui utilise l’argent déposé par les forces vives salariales pour constituer le Capital d’un seul ou de quelques-‘uns qui vont se prévaloir de cet apport à l’Entreprise pour décider seuls de ses destinées.

    Ainsi donc il apparaît que la communauté productive repose sur deux pieds et que pour le moins, le pouvoir de décision devrait être partagé. En outre au moment de la vente éventuelle de l’Entreprise l’ensemble des salariés devraient, au prorata de leur présence et en fonction de leur qualification, recevoir une part de la plus-value qu’ils ont participé à constituer, l’Employeur apporteur de capitaux percevant ladite plus-value au prorata de ses apports.

    Ainsi la République du Commun prendra son sens économique et social en évitant la constitution d’empires financiers sans que pour autant soit concerné la petite propriété familiale d’une voiture, d’un appartement ou d’un terrain qui en toute occurence ne constituent aucune aliénation du libre exercice de la citoyenneté de chacun.

  7. .Le bien commun , dans des postulats de constructions et de développements en commun
    Scoop, coopératives,SEL …. tissu interconnecté d’une autre économie et arriver a tarir les vieux schémas et les vielles institutions.
    Créer une autre république dans l’actuelle, créer un autre économie dans l’actuelle,
    créer une autre entraide dans l’actuelle. se développer de l’intérieur par l’exemple et par la démonstration; démontrer que c’est faisable , viable
    Federer et grossir et ensuite oui le changement se fera de l’intérieur de manière exponentiel…
    Débâtons , construisons et créons dans l’action : « du concret »

  8. .La République et la Démocratie sont deux concept distincts et le plus souvent contradictoires dans les faits. Une République du commun, pour être réellement démocratique aurait, au niveau macro-social, surtout un rôle de suppléance, de recours, en cas de dérapages (atteintes aux droits fondamentaux, etc.) dans la gestion des multiples communs à instaurer comme tels (les territoires, les entreprises, les banques, les écoles, les services publics). Ces communs « de base » seront gérés démocratiquement et de façon multilatérale (c’est-à-dire avec la présence de tous les acteurs concernés et de toutes les parties prenantes), afin d’assurer l’équité et le réalisme des consensus élaborés en leur sein et à leur niveau lors des débats.
    Voici esquissée la 7ème république
    Donc le concept de République (chose publique) garde son sens dans une « réelle démocratie à la base, par la base et pour la base » au niveaux des multiples communs (res communis) dont nous avons à nous approprier (par expropriation du Capital, notamment par la réforme des Sociétés Anonymes) et contre les hiérarchies centralisées de l’Etat.

  9. .Un des axes fondamental d’une nouvelle république est effectivement le droit sur la propriété, celle individuelle, celle qui serait nécessaire est indispensable à la survie et la propriété excessive, celle dont on peut se passer. En fait sans vouloir l’abolir, rien n’est jamais noir ou blanc même si la Terre ne devrait pouvoir n’appartenir à personne, imposer au moins les limites de ce droit à posséder. Que ce droit ne puisse devenir un privilège et une puissance contre ceux qui ne possèdent pas, ceux, et il y en a, qui ne veulent pas posséder. Limiter par quelques moyens le pouvoir du possédant et redéfinir la propriété de ceux qui n’existent plus (le droit de succession). Le bien commun doit il appartenir à personne ou à tout le monde ?
    Peut être faut il le redéfinir comme pour les eaux territoriales et instaurer dans une nouvelle constitution le respect du vivant, du transmis afin de pouvoir protéger les générations futures qui doivent avoir des droits de recevoir un bien intact de nos excès de prédateur. Donner en quelque sorte plus de droit à ceux qui n’ont pas encore vu le jour qu’à ceux qui sont déjà morts.

  10. .Pour une République du commun écrivez-vous?
    Mieux vaudrait titrer « pour une République enfin Démocratique ».

    Chacun s’accorde à dire et à lire que la présente constitution n’est pas conforme au contenu de son titre deux « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » (Lincoln)
    Le « gouvernement du peuple par le peuple » impose que la délégation de pouvoir donnée par le peuple à ses représentants soit parfaitement mise en œuvre, parfaitement contrôlée et totalement indétournable de cet objectif.
    Pour ne traiter que de cet aspect, nous pouvons dire d’emblée que la délégation donnée par le peuple à ses élus n’est que partielle (élections à la proportionnelle à 2 tours). Pour une réelle représentation du peuple nous devrions disposer d’un vote à un tour à la proportionnelle intégrale.
    Il serait impératif dans ce cas que le vote soit obligatoire et que le vote blanc soit reconnu.

    La réflexion sur la M6R devrait se limiter à ce type d’étude sans intégrer à l’analyse la recherche de la stabilité politique voire de la stabilité des mandats de chaque édile, ce que je sens poindre dans les propos partisans de J.L.Mélenchon.

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