Quelle révolution républicaine ?

Par Paul Ariès, essayiste, rédacteur en chef du mensuel Les Z’indigné(e)s

 

On pourrait croire que l’urgence ne serait pas à penser l’organisation des pouvoirs dans cette période de crise économique, sociale, politique, écologique… L’Histoire montre pourtant que chaque fois que nous sommes à la croisée des chemins le droit est mis en scène. L’Histoire du 20e siècle le prouve à trois reprises : je pense déjà aux débats constitutionnels de la Libération, avec en particulier le premier projet de Constitution qui mettait en place un régime d’assemblée et qui fut malheureusement rejeté par le peuple français, lors du référendum du 19 avril 1946, ouvrant ainsi la voie aux alliances détestables de la SFIO et de la droite. Je pense aussi aux débats et combats lors de l’adoption de la Constitution de 1958 mais surtout de la réforme de 1962 instaurant l’élection du président au suffrage universel. Je pense enfin à la puissance de la réflexion durant les années soixante-dix autour du courant dit de « critique du droit ». Michel Miaille, l’une de ses grandes figures, écrivait ainsi en 1993 : « Le Mouvement Critique du Droit constitue un mouvement de pensée parmi les juristes qui refusent le positivisme dominant et revendiquent une dimension critique dans l’étude du droit, sur la base d’une analyse matérialiste ». Ce Mouvement fut à la fois une association organisant des forums, une revue, « Procès, Cahiers d’analyse politique et juridique », une collection d’ouvrages chez Maspéro. Cette période fut celle d’une grande fécondité sociale avec l’invention de nouveaux fronts de lutte (mouvements des justiciables, création de syndicats des avocats, des magistrats) et d’une grande fécondité intellectuelle autour des travaux de Louis Althusser (et son fameux article sur « Idéologie et AIE »), de Nicos Poulantzas avec son « Pouvoir politique et classes sociales » (1978) mais aussi de Pashukanis, d’Edelman et d’auteurs moins connus mais tout aussi féconds comme Philippe Dujardin (auteur d’un détonnant « 1946, le droit mis en scène ») ou Jacques Michel et son « Marx et la société juridique », etc.

Nous ne partons donc pas de rien pour penser cette 6e République qui doit rouvrir le champ des possibles. Nous sommes redevables d’une longue tradition juridico-politique qui traverse l’Histoire des mouvements populaires, des milieux libertaires aux mouvements syndicaux en passant par le PCF, auteur dans les années soixante-dix d’un remarquable petit livre sur la question des institutions et de la liberté (ouvrage conçu par des avocats communistes lyonnais). Nous sommes d’autant plus fondés à mettre le droit en scène que le 20e siècle nous a appris que la grande question pour la gauche ce n’est pas tant la conquête du pouvoir, ni même d’apprendre à le partager que d’apprendre à s’en défaire. Nous oublions trop depuis longtemps nos rêves autogestionnaires.

Nous sommes donc fondés à mettre la question de la 6e République au cœur de la transformation de la société mais nous devons le faire à notre façon, pas à celle des dominants. Parce que je suis plus que jamais convaincu que faire de la politique d’un point de vue abstrait, c’est en faire du point de vue des dominants et renforcer ainsi le sentiment d’incompétence du plus grand nombre (Mon ouvrage, Nos rêves ne tiennent pas dans les Urnes, Max Milo, 2013), je nous invite à prendre au sérieux ce que nous disons lorsque nous écrivons que la Constitution est l’expression d’un Pacte social et à relire et à méditer, par exemple, pour cela, le Georges Gurvitch de la « Déclaration des droits sociaux » de 1946… que de grain à moudre encore aujourd’hui pour notre 6e République (ce petit texte admirable est à télécharger gratuitement sur le Web et le site de l’OIG).

Outre les nouveaux mécanismes institutionnels démocratiques que nous devons porter et qui commencent à émerger, comme le référendum révocatoire à mi-mandat, nous devons réfléchir à la façon d’inscrire deux grands principes au fondement d’une 6e République sociale et écologique : celui de la fameuse « règle verte », avancée lors des Présidentielles de 2012, une « règle verte » à prendre très au sérieux et qui doit être une réponse constitutionnelle à la folie des GPII (Grands projets inutiles imposés) ; celui d’une Sécurité sociale élargie, telle qu’elle était d’ailleurs conçue au sein du programme du CNR, une Sécurité sociale couvrant l’ensemble des besoins essentiels (qui vont bien au-delà des seuls besoins vitaux) et qui n’est que la traduction juridique de ce que porte le « Manifeste pour les produits de haute nécessité » et le combat montant pour la gratuité du service public et des biens communs.

Nous devons affirmer que si, en 1944, la France, à genoux économiquement mais debout politiquement, avait su instaurer la Sécurité sociale, nous devons, alors que jamais la France n’a été aussi riche, accentuer les droits du peuple, garantir à chacun de quoi vivre, même sans emploi.

 

Je demande l’élection d’une assemblée constituante qui fonde avec les citoyens la 6e République. Une République débarrassée de la monarchie présidentielle et fondant les nouveaux droits personnels, écologiques et sociaux dont notre pays a besoin.

Je recevrai par mail les informations sur le Mouvement pour la 6e République.

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12 responses to “Quelle révolution républicaine ?

  1. Il est impératif de revoir complètement le système d’imposition : (à la source et pour tout le monde au 1er euro gagné) supprimer les niches fiscales et les exonérations.

    1. Je suis d’accord avec toi Roger > Un salaire minimum, un salaire maximum; un impôt minimum, un impôt maximum : et tout ça dans la clarté, s’il vous plait x)..

  2. .Et pourquoi pas abolir l’impôt, car c’est un vilain mot.
    Remplaçons-le par de la cotisation.
    Une cotisation qui ne serait plus prise sur le salaire mais sur les produits qu’on consomme. Qu’ils soient importés ou fabriqués en France, ils seraient tous logés à la même enseigne, avec un taux de cotisation variable en fonction de leur nécessité.
    On peut tout financer par la cotisation, jusqu’aux salaires.
    Notez que les produits exportés en seraient exonéré puisque consommés par le pays vers lequel on exporte…
    Bizarre que M Gattaz n’y ait pas pensé dans ses recherches de compétitivité..

    1. .Une « cotisation sur les produits qu’on consomme » ? qu’est-ce que ça serait dans votre idée ? dit ainsi, ça ressemble pas mal à… de la TVA. Sûr que M. Gattaz y a pensé !

    2. .Une tva sur les produits de luxe à 33 % (à définir!)
      Une tva sur les produits de premières nécessités à 5%(à définir!)

  3. .Il existe déjà beaucoup d’idées, de solutions, sur des sujets importants, notamment le revenu de base, la création monétaire, la fiscalisation, ….
    Mais tout ça ne peut pas être mis en place à cause de la constitution européenne.
    Donc soit on sort de l’Europe, soit la « révolution républicaine » doit être une « révolution européenne ».

    Je ne suis pas nationaliste, au contraire, mais le 1er problème sont les institutions européennes.
    Ensuite notre monnaie : l’euro est gangrené, difficile voire impossible de le soigner, vaut mieux l’amputer (annuler les dettes, supprimer le FMI, revoir la création monétaire, …).

    1. .Bonjour Sylvain,

      Je me permets de vous répondre au sujet des institutions européennes ; elles ne sont pas si rigides que cela (malgré leur sérieux besoin de réforme démocratique), et mener une action -certes contraire aux traités par certains aspects- subversive nous demeure possible et a toutes les chances d’ouvrir de nouvelles négociations sur bien des points.

      Des gouvernants qui voudraient se libérer de ces contraintes le pourraient, surtout d’un pays puissant !… Ainsi, leur façon d’accuser l’Europe de tous nos maux n’est pas anodine et vise simplement à instiller dans les esprits que « c’est nous, ou le nationalisme ».

  4. .Mieux, 1944 démontre qu’il est possible de marginaliser le Capital, le Marché du travail et l’Impôt.
    Le remède : la Sécurité sociale et la Cotisation sociale.

    L’Impôt a besoin du Capital et du Profit pour exister. La cotisation sociale, par construction, peut très bien se passer du Capital.

    Abolissons la Propriété lucrative et le Marche du travail. En somme, l’esclave moderne. Abolissons le Capitalisme et l’Impôt. Nous pouvons remplacer cela par la Cotisation sociale, la copropriété d’usage, et le Salaire à vie (à travers la qualification personnelle).

    Pour développer : http://www.dailymotion.com/video/x11viii_manifeste-pour-un-statut-politique-du-producteur-reseau-salariat_news?start=146
    http://www.reseau-salariat.info/

  5. . « supprimer le FMI »… Des pays d’Amérique Latine se sont passé de cet appareil (bras armé du capitalisme): on vous aide à condition que vous privatisiez et réduisiez les peuples en sujets/esclaves…
    Le « Coup de balai » est plus que nécessaire…

  6. .Bonjour à tous. Il est urgent de simplifier les prélèvements pour faire fonctionner l’intérêt général. Pas de subvention du tout, pas de niche, et le même taux pour tout le monde ! Donc tu gagnes gros, tu paies gros; tu gagnes petit, tu paies petit. Aujourd’hui on commence à comprendre ce système, mais jusque là quelle horreur pour ceux qui y ont tout perdu… Sans émouvoir les commissaires aux comptes et autres experts comptables qui ramassent l’argent sans se soucier du reste, ils ont leur code de déontologie… Donc pas attaquables. Alors oui c’est possible de partager le fruit de nos activités, et c’est très simple, si on veut !

    1. .A Ardouin,
      Bonjour,
      Nous vous remercions de bien vouloir exprimer vos proposition en lieu et place d’un simple renvoi vers votre lien internet qui peut être assimilé à de la « réclame ».
      Bien cordialement.

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